Armes autonomes : le CICR appelle les États à prendre des mesures en vue de la négociation d’un traité

Armes autonomes : le CICR appelle les États à prendre des mesures en vue de la négociation d’un traité

Déclaration du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à l’issue de la dernière session de 2022, tenue du 25 au 29 juillet, du Groupe d’experts gouvernementaux sur les systèmes d’armes létaux autonomes dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques.
Déclaration 09 août 2022

À l'heure où les appels à défendre l'ordre international fondé sur le droit se multiplient, et où les risques humanitaires liés au développement et à l'utilisation sans restriction des armes autonomes suscitent des inquiétudes croissantes, de plus en plus d'États soutiennent l'élaboration de règles internationales juridiquement contraignantes applicables à ce type d'armes. Convaincu que de telles règles sont nécessaires de toute urgence, le CICR appelle les États à prendre des mesures immédiates et concrètes au niveau international pour ouvrir la voie à la négociation d'un traité en la matière.

Le CICR définit les systèmes d'armes autonomes comme des armes qui sélectionnent des cibles et exercent la force contre elles sans intervention humaine. Une fois activée par une personne, une arme autonome s'auto-déclenche et fait feu en réponse aux informations sur son environnement collectées par ses capteurs, sur la base d'un profil de cible généralisé.

La perte de contrôle et de jugement humains sur l'usage de la force qui en résulte soulève de graves préoccupations d'ordre humanitaire, juridique et éthique.


Pour contribuer à prévenir les risques pour les personnes touchées par la guerre et répondre aux préoccupations éthiques en jeu, le CICR a recommandé aux États d'adopter de nouvelles règles juridiquement contraignantes sur les armes autonomes. De son point de vue, le maintien d'un niveau suffisant de contrôle et de jugement humains sur l'usage de la force exige d'interdire certains types de systèmes d'armes autonomes et de réglementer strictement tous les autres.

Les États parties à la Convention des Nations Unies sur certaines armes classiques débattent depuis 2014 des questions ayant trait aux technologies émergentes dans le domaine des systèmes d'armes létaux autonomes. Cette année, le Groupe d'experts gouvernementaux de la Convention (en anglais) s'est donné pour objectif « d'examiner des propositions et d'élaborer des mesures », en s'inspirant de l'exemple des protocoles existants de la Convention et en tirant parti des travaux déjà réalisés.

Le CICR est encouragé de constater qu'un nombre croissant d'États considèrent à la fois nécessaire et possible de fixer des limites internationales aux armes autonomes. Ces derniers mois, bon nombre d'entre eux ont exprimé leur soutien à la création de règles juridiquement contraignantes. Le projet de conclusions présenté au début de la dernière session rend compte des principaux points de convergence sur lesquels le Groupe d'experts gouvernementaux peut s'appuyer, notamment la reconnaissance du fait que :

  • un jugement et un contrôle humains sur l'usage de la force, tenant compte du contexte, sont indispensables au respect du droit international humanitaire ;
  • pour cette raison – et, selon le CICR, également pour des motifs éthiques et humanitaires –, certains types d'armes autonomes ne doivent jamais être utilisés ;
  • l'utilisation des autres armes autonomes doit être contrôlée et limitée, et des mesures concrètes doivent être adoptées pour parer aux risques qu'elles présentent.

Malheureusement, malgré diverses propositions avancées par des États – notamment la mise en place d'interdictions et de restrictions internationales – et en dépit des efforts inlassables déployés par le président, l'ambassadeur brésilien Flávio Soares Damico, les conclusions du Groupe d'experts gouvernementaux ne reflètent pas la gravité de la question ni le besoin urgent d'y apporter une réponse internationale. Elles ne reconnaissent pas les défis particuliers posés par les armes autonomes et ne suggèrent pas de mesures efficaces pour y faire face.

Le droit international humanitaire doit continuer à évoluer en phase avec les technologies et les pratiques militaires de manière à préserver et renforcer la protection accordée aux personnes touchées par des conflits armés. La Convention sur certaines armes classiques a été établie précisément parce que les principes du droit international humanitaire qui régissent tous les moyens et méthodes de guerre ne se sont pas toujours révélés suffisants pour éviter que certains types d'armes conventionnelles ne causent de graves dommages. Le préambule de la Convention réaffirme « la nécessité de poursuivre la codification et le développement progressif des règles du droit international applicables dans les conflits armés ». Les efforts constants fournis par le Groupe d'experts gouvernementaux pour renforcer la Convention doivent être guidés par la volonté de protéger la vie, la santé et la dignité des personnes qui ne participent pas aux hostilités, ainsi que de protéger les combattants contre les blessures et les souffrances non justifiées par des nécessités militaires.

Le CICR est reconnaissant aux États parties à la Convention sur certaines armes classiques pour les travaux importants et approfondis réalisés ces huit dernières années, et se félicite des propositions de plus en plus ciblées et convergentes visant des réponses concrètes aux risques posés par les armes autonomes. Il se réjouit également de constater que les positions des États ont évolué sur le fond et sont devenues plus ambitieuses au cours des dernières années. De fait, de nombreux États parties se sont déjà engagés à plaider en faveur d'un instrument juridiquement contraignant, à promouvoir activement une interdiction internationale de certaines armes autonomes, à élaborer des règles applicables au développement et à l'utilisation des armes autonomes et à prendre les initiatives nécessaires pour les réglementer à l'échelon international. Le CICR ne doute pas que les États traduiront leur engagement à faire respecter le droit international humanitaire et à sauvegarder l'humanité en actions significatives et rapides au niveau international.

Le CICR est convaincu que les États trouveront le moyen de mettre sur pied une réponse internationale efficace qui soit à la mesure des risques – humanitaires, juridiques, éthiques et autres – que présentent les systèmes d'armes autonomes. De nouvelles règles juridiquement contraignantes sur les armes autonomes sont nécessaires de toute urgence, en particulier :

  • une interdiction des systèmes d'armes autonomes conçus ou utilisés d'une manière qui ne permet pas de suffisamment comprendre, prédire et expliquer leurs effets ;
  • une interdiction des systèmes d'armes autonomes conçus ou utilisés pour exercer la force contre des personnes ;
  • des restrictions juridiques spécifiques imposées à la conception et à l'utilisation des systèmes d'armes autonomes non interdits, notamment pour permettre un jugement et un contrôle humains sur des attaques précises.